Le matin était frais mais la neige s'était apaisée ces derniers temps et le paysage avait retrouvé ses couleurs hivernales. Un oiseau frileux lançait des trilles pour se réchauffer ou appeler un compagnon, un renard coursait un rongeur dans un champ en hivernage et Camille chevauchait avec entrain. Elle venait de terminer sa garde et en rentrant chez elle, avait trouvé son échoppe ouverte et vidée de ses effets personnels. Il était resté un mot d'une écriture sensuelle, un plan et quelques affaires qu'elle avait fourré dans un sac une fois la surprise passée et la lettre lue. Le vent vivifiant glissait sur son visage pour s'engouffrer dans sa chevelure de jais en liberté, volutes d'un noir profond, traine longue la suivant dans sa course joyeuse. Mais déjà le plan avait rendu son secret et la jouvencelle ralentit son galop pour se rapprocher de fiers remparts.
Camille regardait le pont levis, impressionnée par les lieux. Elle avait chevauché avec deux sacs déposés en équilibre sur la croupe de son cheval. Guère volumineux, ils ne contenaient que deux jupons, un corset de rechange, chemises, braies et une robe offert un matin d'hiver dans les faubourgs du Berry. Le sac jumeau lui était au final plus volumineux : graines, herbier, poudres de couleurs, plumes et vélins, l'enlumineuse royale tenait à ses couleurs qu'elle prenait le temps de faire elle même. Les pigments et la qualité des vélins étaient ce qui donnait sa profondeur et sa vie à un bel ouvrage et elle avait soin de les broyer elle même avec son pilon et son creuset, emballés soigneusement au fond de la besace.
Le domaine, vu de l'extérieur avait un aspect froid et mystérieux, presque intimidant et Camille songea que c'était bien là l'illustration du tempérament du maitre de maison. Souriant, elle se demanda si l'intérieur revêtirait les mêmes surprises et surprenantes découvertes qu'elle avait pu faire auprès d'Altaiir ces derniers mois. Posant pied à terre pour ne point prendre de haut le garde aux portes, elle s'avança d'un pas silencieux vers la herse, tirant son cheval par le collet.
Messire, pourriez vous annoncer au maitre des lieux que Dame Camille d'Anclair est présente à sa demande. Il saura la raison de ma venue.
Camille rougit légèrement, fichue habitude dont elle désespérait se débarrasser un jour mais pour laquelle elle ne se faisait guère d'illusion. Elle préférait au final être à ce point sensible à l'embarras de ses actions que de renvoyer la froideur et la condescendance de certaines de ces Dames qui oubliaient combien chaque homme a droit au respect et à la considération quelque soit la tâche qui lui est dévolue en ce bas monde.